Ce que nous allons faire de notre avenir…
Une nouvelle année débute, pleine d'attentes et d'espoirs sur un lendemain plus léger et spontané, plus rassurant et enthousiasmant. Nous n'imaginions pas forcément les mois passés comme cela… quoi que… prospectivistes, sociologues, analystes, auteurs de SF et cinéastes nous montraient depuis quelques temps que nous allions un peu dans le mur. Alors pourquoi sommes-nous surpris ? Sans doute parce que nous repoussions d'année en année cette projection, le moment présent venant reporter à demain la notion de futur. Alors peut-être que ça y est, nous y sommes donc, dans le futur. Mais étant optimiste et positive de nature, je me dis que si nous sommes dans le futur, pas de souci, ça ne veut pas dire qu'il ressemblera forcément à ce que nous vivons aujourd'hui, mais plutôt à ce que nous voudrons construire avec l'expérience de ce que nous sommes en train de vivre. "Apprendre d'hier, vivre aujourd'hui, espérer pour demain" (Albert Einstein)
2020 nous aura appris beaucoup de choses sur la vie, la santé, la société, sur nous-mêmes, notre rapport à l’autre, sur notre impact et ce qu’on attend du futur... Et nous a dévoilé en filigrane cette aspiration de nombreuses personnes pour leurs trajectoires personnelles, et de nombreuses entreprises pour leur vocation collective, à vouloir changer les choses. Et vouloir les changer maintenant, pas demain ! Nous voyons même déjà des exemples au quotidien de cette envie de faire bouger les lignes vers un futur plus désirable. Nous observons le regain des solidarités chaudes sur le terrain, organisées ou spontanées, la place et le rôle à jouer des associations d'aide aux personnes que le gouvernement entend soutenir au travers des dispositifs vers l'ESS. Nous assistons à des coopérations européennes et mondiales pour trouver des solutions ensemble et se soutenir financièrement et sanitairement. Nous entendons ces entreprises qui veulent avoir une raison d'être au-delà de leur mission économique, s'engageant formellement sur des enjeux sociétaux et environnementaux. Et bien d'autres exemples. Tout cela avec l'espoir d'ailleurs que cela ne soit pas juste dans l'adversité mais que cela dure un moment.
Certes, tout n'est pas blanc ou noir, nous naviguons dans cette nuance de gris où le moral individuel et collectif est en berne comme le montre de nombreuses études, où nous nous questionnons sur les modalités et le temps de la reprise, où nous gérons comme nous le pouvons l'incertitude, mais aussi où nous avons l'espoir qui va avec une nouvelle année qui démarre, et où nous avons le pouvoir d'agir, chacun à notre échelle. "L'avenir n'est pas ce qui va arriver mais ce que nous allons en faire." (Henri Bergson).
… et comment nous pourrions le faire
Pour autant, le changement n'est pas simple à appréhender. Et chacun n'appréhende pas le mouvement de la même manière ou avec la même confiance. Et même si l'on veut agir, par où commencer et que faire ?
Prenons les entreprises qui font face aujourd'hui à une envie ou une nécessité de changer, s'adapter, se transformer pour se développer, performer, durer. Elles peuvent se construire une feuille de route stratégique pluriannuelle définissant le cadre menant à la cible visée, et amorcer le changement. Mais une entreprise, si elle est bien sûr une entité sociale, est également un collectif d'individus. C'est donc plusieurs personnes qu'il faut arriver à mettre dans un mouvement choral pour se projeter. C'est une des difficultés rencontrées par l'entreprise lorsqu'elle orchestre une transformation de sa stratégie, son positionnement, son business, ou ses métiers… Pour opérationnaliser le changement, il faut que les collaborateurs s'en saisissent et l'appliquent dans leurs métiers, leur quotidien.
Dans un précédent article, je mettais en exergue une conviction sur le tournant que le monde du travail vit depuis quelques années : les entreprises peuvent, voire doivent, être moteur de transformation à la fois pour elles-mêmes et pour la Société. Penser mission économique et mission sociétale/environnementale de concert est un catalyseur pour « passer à l’échelle » un nouveau mode de production et d’organisation, favorisant la durabilité de l'entreprise par la valeur qu'elle produit et investit auprès de ses clients, de ses collaborateurs et de sa gouvernance.
Et si le sens donné à la mission globale de l'entreprise était justement le catalyseur pour embarquer les collaborateurs dans l'aventure. En effet, il est d'autant plus compliqué d'aborder et d'accepter des transformations quand nous sommes dans une période d'incertitude ; c'est d'ailleurs ce qui rend aussi le présent complexe à vivre : se projeter malgré les doutes, s'orienter dans l'inconnu. En revanche, adhérer à un engagement pris par le collectif, comprendre pourquoi l'on va vers telle ou telle cible, peut permettre de faciliter le flou autour du comment et l'agilité pour construire ce comment pas à pas.
La feuille de route stratégique ne serait plus tant comme avant une analyse de scenarios stratégiques possibles face des situations probables et connues, mais deviendrait une réelle conception stratégique basée sur la mission globale de l'entreprise et sa contribution, son impact. Un univers des possibles, tout en restant attaché à l'histoire et la raison d’être de l'entreprise. Et alors, qui de mieux que les parties prenantes de l'entreprise pour concevoir cela avec la gouvernance.
Le sens engage tout le monde sur le même chemin…
Je suis attachée au terme de "sens" dans la manière d'aborder le changement car il amène une double réflexion : il est à la fois le sens comme une direction à prendre, indiquée par une boussole stratégique qui nous oriente vers une destination, et le sens comme une signification, une raison d'être et d'agir, qu'il convient de partager pour parler le même langage et se comprendre.
Et d'ailleurs ce n'est pas un hasard si j'ai souhaité appeler mon entreprise Let'Sense, autour de ces deux notions du "sens", que l'on atteint par la mise en mouvement (Let's !) et le collectif ("us" ). Voilà, plus de secret, ceux qui m'auront lu jusqu'ici savent maintenant pourquoi j'ai choisi ce nom (avec l'inspiration d’un petit collectif qui se reconnaitra certainement à la lecture).
Les sciences cognitives nous ont montré que le mode de réflexion et d'action des personnes différait d'un individu à l'autre et que les moteurs d'adhésion pouvaient ainsi être multiples au sein d'une même équipe. C'est d'ailleurs cette diversité qui fait la valeur du collectif. Que l'on soit face à des personnes qui ont besoin d'avoir la vision globale du tout pour avancer ou à celles qui ont besoin de comprendre les différentes étapes pour se mettre en marche, que l'on soit face à des personnes qui construisent dans l'échange avec l'autre ou à celles qui ont besoin de maturer leur pensée avant de la partager, que l'on soit face à des personnes qui se jettent dans le problème en étant convaincues que la solution existe ou à celles qui analysent la situation avant de se lancer, un dénominateur commun est toujours là : la raison d'agir. Dans tous les cas, il s'agit d'amorcer une mise en mouvement, qu'elle que soit la sensibilité que l'on a pour le faire, et donc de partir dans une direction pour une raison. Le "sens" est bien un moteur commun qui engage tout le monde avec un même langage.
Alors, pour une transformation réussie, que ce soit sur la trajectoire ou la cible, les entreprises ont tout à gagner à mener une réflexion dès le début en intelligence collective et une mise en mouvement d'ensemble autour du sens, afin d'opérationnaliser concrètement la promesse visée pour qu'elle ne reste pas une incantation.
… en toute confiance et transparence
Le sens ne fait pas tout, mais il crée un climat de confiance et d'engagement dans lequel les difficultés peuvent s'exprimer plus objectivement et se résoudre plus collectivement, sans défiance envers l'autre. Évidemment, travailler sur le sens n'oblige en rien à s'aliéner à l'entreprise : un individu, collaborateur, client ou autre, peut ne pas adhérer au sens donné par l'entreprise, et c'est alors qu'il est possible de mieux anticiper les démobilisations, trouver les solutions et éviter les effets boule de neige (climat social dégradé et risques psycho-sociaux, marque impactée et perte de clientèle…). Mais à vrai dire, on observe généralement plus de cas dans lesquels le sens est partagé mais les actes ne sont ensuite pas conduits en cohérence, plutôt que des transformations dans lesquelles le sens était rejeté par les parties prenantes.
Pour percevoir le sens, il faut non seulement exprimer clairement la mission, la trajectoire, être transparent sur le fait que les étapes du voyage ne sont pas toutes définies, mais il faut aussi rendre cela tangible, aligner discours et actes pour mettre en mouvement concrètement, compléter la raison d'être de l'entreprise par une raison d'agir.
Si le sens est aussi bien la direction et l'orientation que la signification et la philosophie, alors il se doit d'être compris de tous. Il est universel et commun à la transformation que l'entreprise engage, mais il peut toutefois s'exprimer de manière différente fonction des parties prenantes concernées. Le sens exprimé par la gouvernance n'est pas forcément traduit à l'identique par le collaborateur, et il n'est pas forcément perçu de la même manière par le client ou par les partenaires clés. L'important est de savoir l'exprimer différemment en gardant sa cohérence. Puis de l'incarner dans des actes.
Dans le contexte actuel, c'est d'autant plus important de bien se comprendre sur le sens donné à l'action que les modes habituels de communication sont chamboulés. En distanciel, se mettre en mouvement depuis son canapé ou son bureau en télétravail, loin de ses collègues de route, avec pour seul lien la parole, plus souvent écrite qu'orale d'ailleurs, peut effrayer sur le maintien du sens lorsqu'on doit non seulement faire tourner l'activité mais en plus continuer à s'adapter et se transformer. C'est là qu'il faut faire preuve d'encore plus de créativité et d'intelligence collective… et porter attention au sens pour amorcer positivement la reprise économique et sociale des prochains mois. "On peut aussi bâtir quelque chose de beau avec les pierres qui entravent le chemin.” (Johann Wolfgang von Goethe)
Nawel Mettouchi-Vaillant, Fondatrice Let'Sense
Janvier 2021
Comments